La valse du scénario de référence dans les études d’impact sur l’environnement

Nous nous penchons ici sur l’article R 122-5 du Code de l’environnement et ses éternels changements et plus précisément, sur ce fameux « scénario de référence » apparu en août 2016, transformé en avril 2017, puis disparu par magie depuis août 2021.

Ainsi, le scénario de référence, après avoir représenté la sensibilité d’un enjeu (soit « l’évolution » des aspects pertinents de l’état actuel de l’environnement « en cas de mise en œuvre du projet ») est devenu l’enjeu lui-même (« aspects pertinents de l’état actuel de l’environnement »), dont nous devions, ensuite seulement, évaluer « l’évolution probable en cas de mise en œuvre du projet »… et tout cela en moins d’un an ! Puis, nous avons eu 4 ans de répit pour constater qu’un jour, il avait disparu ! 

Mais où est passé le scénario de référence ?  

Quel impact de cette valse des mots sur notre travail? 

Version en vigueur du 01 juin 2012 jusqu’au 15 août 2016 : il n’existe pas :

« 2° Une analyse de l’état initial de la zone et des milieux susceptibles d’être affectés par le projet […], ainsi que les interrelations entre ces éléments ;»

Version en vigueur du 16 août 2016 jusqu’au 28 avril 2017 : il apparaît :

« 3° Une description des aspects pertinents de l’état actuel de l’environnement et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet, dénommée  » scénario de référence « , […] ;»

Version en vigueur du 28 avril 2017 au 01 août 2021 : il change de définition :

« 3° Une description des aspects pertinents de l’état actuel de l’environnement, dénommée “scénario de référence”, et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet […] ;»

Version en vigueur depuis  01 août 2021, il disparaît de nouveau :

« 3° Une description des aspects pertinents de l’état initial de l’environnement, et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet […] ;»

On pourrait y perdre son latin… Ce n’est pas grave,  nous diront certains.

Mais, que vous soyez législateurs, porteurs de projet,  ou tout simplement lecteur d’une étude d’impact, avez-vous conscience de ce que cela implique pour les rédacteurs desdites études ? 

Avez-vous conscience qu’une telle étude demande a minima une année de travail, souvent deux, parfois plus …,

Ce genre de « petit » détail réglementaire demande alors au rédacteur de « tout » reprendre systématiquement, et pour certaines études entre 2015 et 2017, deux fois ! Parce qu’un terme qui veut dire une chose, un jour, et son contraire le lendemain, ce n’est pas anodin dans un dossier réglementaire…

Un changement de texte doit aussi être assimilé  par tous les intervenants, nombreux, dans une telle étude. 

Alors, en tant qu’assemblier, quand vous vous retrouvez à devoir établir une synthèse de différentes études où l’un parle encore du scénario de référence dans sa version  « sensibilité, 2016-2017 » (et oui, ça existe encore !), quand d’autres l’évoquent sous son aspect « enjeu, 2017-2021 », alors que finalement, ce terme n’existe même plus dans le code de l’environnement, rédiger une étude cohérente, qui ne perde pas le lecteur, devient un casse-tête inextricable. Et oui, c’est en effet mieux quand tout le monde utilise les mêmes termes pour parler de la même chose, mais encore faut-il que ces termes restent stables dans le temps… 

Cela engendre aussi qu’une MRAe (laquelle n’est pas le sujet ici et cela importe peu) écrive dans son avis, en 2019,  que l’enjeu « n’est pas » le scénario de référence (demandant alors au BE de reprendre ses textes), alors que si,  justement, l’enjeu « est » le scénario de référence depuis 2017! Comme quoi, même pour les services instructeurs, les changements réglementaires semblent difficiles à suivre… Or, ce dossier, vous aviez justement passé des heures et des jours à le remettre en adéquation réglementaire suite à ce changement de 2017, et pourtant, vous passez encore du temps à répondre à cet avis en expliquant, diplomatiquement, que peut-être qu’il résulte d’une méconnaissance de l’évolution de l’article R 122-5 du code de l’environnement… mais ce qui est certain, c’est que pour un dossier sensible qui passe en enquête publique, cela instille le doute sur la qualité de l’étude d’impact, car toute personne amenée à la consulter ne maîtrise pas forcément le code de l’environnement…et croît avant tout, celui qui doit faire respecter le code de l’environnement. On ne peut pas lui en vouloir, c’est normal, mais c’est épuisant quand on a bien fait son travail.

Cela engendre alors de l’agacement, des mécontentements , des crispations chez tout le monde : l’un grince des dents parce que ce qu’il croît ne lui apparaît pas respecté, l’autre parce qu’il a fait ce qu’il fallait et se sent incompris, les derniers ne savent plus qui croire alors qu’au fond, tout le monde souhaite la même chose, une bonne étude d’impact conduisant à un bon projet. 

Alors in fine, qu’est-ce qui est le plus important ?

          que le scénario de référence soit l’enjeu ? la sensibilité ? qu’il ne soit plus mentionné ?

          ou que l’étude d’impact, dressée sur des termes, dont la définition est fournie, et utilisés à bon escient, serve à concevoir un projet de moindre impact environnemental, et permette de justifier les choix qui ont été opérés de manière objective et proportionnelle ?

Chez Corieaulys, nous portons une très grande importance à ce que nos études répondent à la formulation de l’article R 122-5 du code de l’environnement, mais nous préférons vraiment dédier notre temps à une vraie analyse, pour répondre à la seconde hypothèse, plutôt qu’à le perdre à devoir reprendre des dossiers et ou justifier ce qui a déjà été analysé et rédigé, simplement parce que le législateur a changé, du jour au lendemain, un terme dans ce fameux article R 122-5. 

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