Tous sur les sites anthropisés ! Article 1/3

Le point commun sur ces 4 sites ? ils sont "ANTHROPISES"Article 1

Ce sont tous des sites industriels à l’abandon (ou après remise en état) sur lesquels nous avons été missionnés ces dernières années, pour accompagner le développement de parcs photovoltaïques. Ils font partie des sites où nous avons dû arbitrer le plus de problématiques environnementales, voire même, pour l’un d’entre, qui nous a conduit à conseiller l’abandon du projet, car il aurait été trop impactant pour des espèces à enjeu majeur, menacées d’extinction!

Ce sont les pourtant des sites où toutes les grandes lignes directrices de la  planification territoriale conduisent aujourd’hui les aménageurs. Ceux, dont la « justification du site », selon le Code l’environnement, est toute trouvée. Puisqu’ils sont ANTHROPISES! Un de ces site où un service urbanisme d’une DDT, vous répond par écrit « c’est un site industriel DONC il n’y aura pas d’enjeu de biodiversité ». 

Où je veux en venir? Vous l’aurez compris pour ceux qui nous connaissent bien, mais je vais m’expliquer pour les autres. Ce premier article présente une de ces problématiques : la biodiversité remarquable.  Suivront : l’article 2 : les espèces invasives, l’article 3 : les sites et sols pollués et la santé.

Ces articles n’ont pour ambition que de pousser chacun à sortir de « sa case », et  réfléchir « système », « global », « transversal ». De pousser chacun à comprendre que l’Environnement ne se met pas dans des cases, ne se généralise pas, est en perpétuelle évolution. 

Finalement vous livrer ce qui remplit nos journées d' »assemblier » avec toujours la même question en fond de plan : « comment concilier CE TYPE de projet avec CE territoire? ». Et vous comprendrez qu’il n’y a pas une réponse, mais autant de réponses que de territoires. 

Revenons-en à nos moutons … 

La nature déteste le vide ! donc, si on abandonne un site, NATURELLEMENT, il se repeuple, et très souvent, il se repeuple d’espèces pionnières, et très souvent, aussi, d’espèces menacées, sensibles au dérangement. Alors OUI, les sites « anthropisés » à l’abandon sont très souvent des réservoirs de biodiversité, un refuge pour nombre d’espèces menacées ailleurs. Et parfois, sur ces sites « où il faut aller, puisqu’ils ne présenteront pas d’enjeux de biodiversité », aucune séquence ERC ne permettra pas de garantir le maintien des enjeux. « On compensera », nous diront certains! Nous on répondra : « on compense comment le risque de disparition d’une espèce menacée d’extinction ? ». 

Les deux exemples suivants permettent de réfléchir à cette question : l’un sur une ancienne carrière, l’autre en milieu naturel à proximité immédiate de l’urbanisation. 

Dans l’un de ces sites, pas très grand, témoin d’une ancienne carrière en roche massive de calcaire, les plantes xérothermophiles recensées ne supportent pas la moindre ombre. Or, des panneaux font de l’ombre, et on ne peut garantir un habitat viable pour ces espèces qu’en les espaçant très fortement pour maintenir suffisamment de lumière au sol. La combinaison d’un petit site et de cette seule mesure de la séquence ERC capable de garantir le maintien des populations de ces espèces, la rend irréalisable ou le projet n’est économiquement pas viable, alors pourquoi le faire?  Une seule conclusion s’impose  : ce site n’est pas adapté à un parc photovoltaïque! Je vous passe le désarroi du porteur de projet, de la commune qui croyait en ce projet, quand on leur annonce cela. « Pourtant, on nous a dit d’aller sur les sites dégradés » ! Qui plus est, la communauté de communes a payé une étude pour définir en amont, sur le territoire intercommunal, les sites sur lesquels, dans le cadre du PLUi, les projets PV seront autorisés : il n’y en a que 2! Les seuls où le PLUi, approuvé récemment, autorise désormais ce type de projet. La CC s’est également  engagée dans une procédure TEPOS avec la volonté de soutenir le PV, et ces deux sites font partie de ses engagements (heureusement on a au moins réussi à trouver une séquence ERC sur l’autre!). Bilan : de l’argent public dépensé pour rien, des clients pas très contents quand même (et pour cause), mais nous, on a juste fait notre travail d’ingénieur conseil. C’est peut-être un site « dégradé », au sens « humain » du terme, mais c’est un site qui a permis à des pelouses pionnières de se reformer, dans un secteur où elles se comptent sur les doigts de la main. On ne justifie pas de prendre le risque de faire disparaître des espèces menacées dans un secteur où elles sont très rares, juste parce qu’il faut produire du MW! Tant pis, notre carnet de commande s’est vidée d’une étude, mais notre éthique est intacte. On a quand même conseillé à la commune de voir avec les organismes de gestion des milieux et de la biodiversité comment la gérer dans le temps et mettre en valeur ce bijou, qu’elle voyait comme une verrou, pour sensibiliser les riverains. On espère que cela sera fait mais ça, ce n’est plus de notre ressort. 

Par contre, ces mêmes espèces, ou d’autres similaires, on les a retrouvées dans une autre région, là où elles sont très communes, parce que dans leur bastion biogéographique. Là, le site est immense, dans une matrice identique de  milliers d’hectares. Ce qui menaçe le plus les pelouses et les espèces ? la déprise agricole. Ce n’est pas nous qui le disons, mais le DOCOB car oui le site est dans une ZSC de milliers d’hectares. Effectivement, une pelouse sèche, si on ne l’entretient pas, elle disparaît… et si elle disparaît, les espèces qui en dépendent, aussi !  ça s’appelle l’évolution NATURELLE. Tout comme une pelouse pionnière se créée sur un carreau de carrière abandonnée, avec le temps, une pelouse s’enrichit puis elle est colonisée par les arbustes, puis les arbres, et ils ont le même effet que des panneaux : ils font de l’ombre! Adieu « espèces héliophiles »! Si on se résume  : on a donc une pelouse avec une fermeture amorcée (donc menacée), mais il y reste encore des espèces héliophiles (menacées, aussi à moyen terme de disparition) et des hectares à disposition. Si on conçoit un projet qui évite les secteurs les plus riches, qui maintient de très larges interrangées entre les panneaux pour assurer l’apport de lumière nécessaire aux espèces, et si on ramène du pastoralisme sur tous ces secteurs et un engagement de gestion sur 40 ans? On aura peut-être anthropisé quelques hectares, mais au final,  on profite de cette anthropisation pour restaurer des pelouses menacées,  garantir un habitat viable pour les espèces pendant 40 ans au moins (espèces qui NATURELLEMENT étaient menacées à moyen terme, au mieux 10 ans). Cette réflexion systémique  permet à la fois de maintenir des populations d’espèces, produire de l’énergie électrique décarbonée et asseoir une activité pastorale dans un secteur pour lequel la déprise agricole est une réelle problématique. Trois enjeux majeurs pris en compte et compatibles entre eux. Et comme en plus on est en secteur méditerranéen, que le climat change quelque peu accentuant le risque incendie, on permet de limiter la multiplication du combustible et le site est desservi avec des pistes aux normes pour le SDIS. Finalement on réduit indirectement le risque qui NATURELLEMENT se renforcerait et on permet une meilleure défense incendie, au cas où, il y aurait un départ de feu accidentel. Or, objectivement, quelle est la plus forte probabilité? un départ de feu de forêt en milieu méditerranéen, ou un parc photovoltaïque qui prend feu quand il est soumis réglementairement à des normes strictes et une obligation de débroussaillement légal?. Et un feu, ça détruit quand même un certain nombre d’espèces même si finalement, ça peut aussi en favoriser d’autres : les pionnières qui ont besoin du soleil (la boucle serait bouclée :-)). 

Vous ne trouvez pas que ça mérite a minima d’y réfléchir? Une fois de plus, ne pas aménager n’importe comment, ça c’est certain. De manière opérationnelle, hiérarchisée, structurée, rigoureuse. Personnellement, je préfère nettement, entre ces deux cas, abandonner CE site anthropisé, et accompagner un projet qui peut avoir du sens et apporter des réponses constructives à des enjeux physiques, naturels, humains, sur CE site naturel … Parfois, nous ferons abandonner le site naturel, et accompagnerons le projet sur site industrialisé. Cela ne dépend pas de NOUS, mais bien de la sensibilité des enjeux que nous trouverons sur un site face au type de projet que nous devons accompagner. 

Vous me direz, oui d’accord : mais les autres sites? Et bien figurez-vous qu’on a eu beaucoup de mal aussi, car TOUS abritaient des espèces PROTEGEES et/ou MENACEES. On a juste pu, sur les trois autres, trouver des solutions … Par contre, cela n’a vraiment pas été simple car en plus, il fallait gérer les NOMBREUSES ESPECES INVASIVES (Renouées, Ambroisie, etc.) sur des sols, pour certains, POLLUES! Et là, bonjour le casse-tête chinois quand un spécialiste vous dit : « il faut décaisser et enlever les terres » et l’autre : « on ne touche surtout pas au sol », tandis qu’une servitude ex-ICPE empêche à des endroits de faire l’un, à d’autre de faire le contraire, et pas forcément au bon endroit! 

Suite aux prochains articles pour vivre notre vie d' »assemblier » quand on nous envoie sur des sites anthropisés !  

Virginie BICHON 

 

Linum leonii

Biodiversité